Carta abierta a los poetas franceses
París, 31 de mayo de 2023
La poetisa cubana Nancy Morejón debía asumir la presidencia de honor de esta cuadragésima edición del Mercado de la Poesía. Después de la intervención de un opositor cubano, respaldado por el Pen Club, la dirección del Mercado finalmente decidió renunciar a esta presidencia, aunque manteniendo su invitación a Nancy Morejón.
Conocemos a Nancy Morejón, para algunos de nosotros desde hace muchos años. Sabemos que es una verdadera poeta, una de las grandes voces femeninas de la poesía latinoamericana. Mujer y negra, se ha comprometido durante años en la lucha por la paz, contra el racismo y las desigualdades sociales, raciales y de género, y por la libertad de los pueblos.
¿Qué se le reprocha exactamente? El haber firmado varias declaraciones en apoyo a las autoridades cubanas, junto con otros escritores que viven en Cuba. De hecho, lo ha hecho en varias ocasiones. Nancy Morejón nunca ha ocultado su apoyo a la revolución cubana. Después de la muerte de Fidel Castro, le rindió homenaje públicamente. Y en 2003, (declaración más controvertida), tras la ejecución de tres secuestradores, co-firmó un texto dirigido a los «Amigos en el extranjero», defendiendo que «Cuba se vio obligada a tomar decisiones enérgicas que naturalmente no deseaba tomar».
No afirmamos que Cuba sea un paraíso. No ignoramos las dificultades actuales de la población de la isla, debido en particular al mantenimiento del bloqueo estadounidense, y no ignoramos los dramas que ha atravesado la revolución cubana, pero nos negamos a unirnos al coro de los detractores.
De hecho, el principal pecado de Nancy Morejón es haber tomado partido a favor de la Revolución cubana de la cual es partícipe desde hace años.
¿Quién la acusa?
La persona que la denunció como partidaria del «régimen totalitario» es Jacobo Machover, escritor de origen cubano. Él abandonó Cuba con su familia en 1963, cuatro años después de la revolución cubana. Ha colaborado en varios periódicos franceses y es conocido por haber publicado algunos libros en los que se esfuerza por presentar al Che como un asesino fanático.
Después del ataque con cócteles molotov contra la embajada de Cuba en París en julio de 2021, él públicamente reivindicó su apoyo al atentado en nombre de la organización europea Cuba Libre. ¿Qué habría pasado si se tratara de la embajada de EE.UU. en París?… Sin duda alguna, habría sido acusado de complicidad en terrorismo… Pero como se trata de la embajada de Cuba… y el asunto se quedó ahí.
Seguramente hay muchas cosas que merecerían ser corregidas en Cuba, pero la verdad obliga a decir que no es en las calles de La Habana donde la policía mata regularmente a personas negras simplemente por ser negras o por demorarse en obedecer.
En cuanto a nosotros, estamos de acuerdo en defender la libertad de expresión en todas partes, incluso en países hacia los cuales sentimos simpatía por razones históricas.
Pero cuando uno pretende ser defensor de los derechos humanos en el resto del mundo, debería empezar por mirar su propio patio trasero.
¿Y cómo se puede atacar así a artistas, escritores, haciéndoles cargar con toda la responsabilidad de la política de su país?
Afortunadamente, cuando un escritor francés viaja al extranjero, por ejemplo, a América Latina, no se le pregunta si votó por Macron y no se le atribuye la responsabilidad de los treinta Chalecos Amarillos mutilados o heridos, o de los manifestantes heridos, a veces de gravedad, por la policía durante las manifestaciones contra la reforma de las pensiones.
La decisión de quitarle a Nancy Morejón la presidencia de esta edición del Mercado de la Poesía, dedicada a Cuba, nos entristece y nos indigna. Como poetas, escritores, hombres y mujeres de letras que vivimos en Francia, esta decisión nos duele y nos avergüenza.
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Lettre ouverte aux poètes français
Paris, le 31 mai 2023
La poétesse cubaine Nancy Morejón devait assurer la présidence d’honneur de cette quarantième édition du Marché de la poésie. Suite à l’intervention d’un opposant cubain, relayé par le Pen club, la direction du Marché a finalement décidé de renoncer à cette présidence, tout en maintenant son invitation à Nancy Morejón.
Nous connaissons Nancy Morejón, pour certains d’entre nous depuis de nombreuses années. Nous savons qu’elle est une vraie poète, une des grandes voix féminines de la poésie latino-américaine. Femme et Noire, elle est engagée depuis des années dans le combat pour la paix, contre le racisme et les inégalités sociales, de race, de genre, et pour la liberté des peuples .
Que lui reproche-t-on précisément ? D’avoir, avec d’autres écrivains vivant à Cuba, signé plusieurs déclarations en soutien aux autorités cubaines. Elle l’a effectivement fait à plusieurs reprises. Nancy Morejón n’a jamais caché son soutien à la révolution cubaine. Après la mort de Fidel Castro, elle lui a publiquement rendu hommage. Et en 2003, (déclaration plus controversée) suite à l’exécution de trois preneurs d’otages, elle a co-signé un texte adressé aux «Amis au loin», défendant «Cuba (qui) s’est vue obligée de prendre des décisions énergiques qu’elle ne souhaitait naturellement pas avoir à prendre».
Nous n’affirmons pas que Cuba est un paradis. Nous n’ignorons pas les difficultés actuelles de la population de l’île, dues en particulier au maintien du blocus états-unien, et nous n’ignorons pas les drames qu’a traversés la révolution cubaine, mais nous refusons de hurler avec les loups.
En fait, le principal péché de Nancy Morejón est d’avoir pris partie depuis des années en faveur de la Révolution cubaine dont elle est partie prenante.
Qui l’accuse?
Celui qui l’a dénoncée comme soutien du «régime totalitaire» est Jacobo Machover, écrivain d’origine cubaine. Il a quitté Cuba avec sa famille, en 1963, quatre ans après la révolution cubaine. Il a collaboré à plusieurs journaux français et il est connu pour avoir publié quelques livres dans lesquels il s’attache à présenter le Che comme un tueur fanatique.
Après l’attaque au cocktail Molotov contre l’ambassade de Cuba à Paris, en juillet 2021, il a revendiqué publiquement le soutien à l’attentat, au nom de l’organisation européenne Cuba Libre. Que ce serait-il passé s’il s’était agi de l’ambassade US à Paris ?… Il aurait sans aucun doute été poursuivi pour complicité de terrorisme… Mais ce n’est que l’ambassade de Cuba… et l’affaire en est restée là.
Il y a certainement bien des choses qui mériteraient d’être corrigées à Cuba, mais la vérité oblige à dire que ce n’est pas dans les rues de La Havane que la police tue régulièrement des Noirs, simplement parce qu’ils sont noirs ou qu’ils ont tardé à obtempérer.
Pour notre part, nous sommes d’accord pour défendre la liberté d’expression partout, y compris dans des pays envers lesquels des raisons historiques nous font éprouver de la sympathie.
Mais quand on prétend se faire les défenseurs des droits de l’homme dans le reste du monde il faudrait commencer par balayer devant sa propre porte.
Et comment peut-on s’en prendre ainsi à des artistes, des écrivains en leur faisant porter toute la responsabilité de la politique de leur pays?
Heureusement, lorsqu’un écrivain français se rend à l’étranger, par exemple en Amérique latine, on ne lui demande pas s’il a voté Macron et on ne lui impute pas la responsabilité de la trentaine de Gilets jaunes mutilés ou éborgnés, ou des manifestants blessés, parfois très gravement, par la police pendant les manifestations contre la réforme des retraites.
La décision de retirer à Nancy Morejón la présidence de cette édition du Marché de poésie, placée sous le signe de Cuba, nous attriste et nous choque. En tant que poètes, écrivains, hommes et femmes de lettres vivant en France, cette décision nous peine et nous fait honte.
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Texto en francés tomado de Cubarte
Con traducción de Cubaliteraria
Ver también «En defensa de Nancy Morejón»
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